Chiconi FM-TV avec "La culture et vous !", La place du Gabusi, instrument traditionnel, dans un monde en mutation
Lors de quels événements utilise-t-on le gabusi?
A Mayotte, il faut savoir que l’on peut entendre le gabusi principalement lors deux événements : le tromba et le mgrodro. Les tromba désignent originellement les ancêtres royaux de la dynastie sakalava ayant régné à Madagascar. La danse de possession, qui porte le même nom, a donc pour but de calmer l’esprit du roi malgache qui a pris possession de l’être de chair.
À Mayotte, les joueurs traditionnels de valiha (cithare tubulaire en bambou) et d’accordéon ont cédé la place aux orchestres modernes (batterie, guitares électriques, synthétiseurs) interprétant les derniers airs populaires à la mode. Le gabusi est donc utilisé dans les trombas, dont nous venons d'entendre un extrait, mais aussi dans les orchestres de m’godro. Le m’godro est une forme de musique populaire mahoraise jouée par des orchestres électriques et par le luth gabusi, et qui peut aussi être accompagné par des instruments comme le djembé et le mkayamba. Cette musique se veut alors principalement répétitive. A l’instar des paroles parfois très succinctes et ponctuelles, elle vise à encourager les danseuses et elle les incite à développer leur gestuelle.Cette danse est caractérisée par des piétinements minutieux dans une alternance droite-gauche.
Rappelons que le terme m’godro désigne également une danse qui tient ses origines des travaux de la vie quotidienne : décorticage du paddy, mélange de boue et de matières végétales pour la construction des maisons, lavage du linge.. Des groupes comme Tama Music ou encore Lathéral qui interprètent le m’godro servent aujourd’hui aussi de support musical contemporain au mbiwi, cette fameuse danse féminine. Le gabusi se retrouve alors souvent à être mélangé avec le mbwi pour être joué dans les manzaraka afin d’annoncer l'arrivée de la mariée ou tout simplement pour danser.
Comme l’a souligné Colo Assani dans le reportage que nous avons écouté, le gabusi n’est plus vraiment utilisé, et encore moins dans les cérémonies de désenvoutement du type trumba. De plus en plus, la douce mélodie du gabusi est remplacée par les incantations des “professeurs” du village et les musiques audios de BACO Ali Ces nouvelles pratiques nous amène à nous demander si le gabusi fait partie des instruments mahorais qui sont amenés à disparaître.
Ce témoignage nous montre à quel point cet instrument est en danger car très peu d'artisans continuent à fabriquer le gabusi. La transmission du patrimoine de ce savoir-faire est donc faible et la plupart des jeunes ne semblent pas s’y intéresser. Mais tout espoir est permis, et certains artistes de la nouvelle génération continuent d’ailleurs de glorifier ce cher gabussy… C’est pourquoi, il nous paraît plus approprié de parler de mutation dans la pratique musicale. Aujourd’hui l'électrification des instruments de musique et l'utilisation des Compact Disc dans les fêtes et rituels deviennent une pratique courante depuis environ une décennie.
Dans la société mahoraise actuelle tous les joueurs de gaboussi sont par exemple amenés à jouer avec une formation d'orchestre de guitares électriques. C’est alors que quand ce luth autochtone prend la place de l'instrument soliste, il le plus souvent assisté par une guitare basse électrique. Il subsiste donc aujourd’hui encore une relation étroite entre les formes musicales contemporaines et la musique traditionnelle.
En effet, on perçoit dans la musique contemporaine mahoraise de nombreux éléments de la musique d’antan. Les artistes mahorais semblent vivre un échange de cultures et adoptent une démarche d’ouverture. Et fort heureusement, de nombreux musiciens continuent de faire vivre cet instrument comme Toumbou Ismael « Langa », Velo « KA-TSO-LA » Bandrélé, feu Soundi Velo originaire de Chirongui, Baba Mayanga, Bouhoury, Lathéral, ASSU, JIMMY, « DEL ZID », Ahmadi GOUGOU.
D'ailleurs nous aimerions adresser un petit hommage à Soundi, l’un des plus grands artistes Mahorais, fervent défenseur de la musique traditionnelle, qui s'est éteint à l'âge de 50 ans.
Nos recherches et notre travail autour du gabusi nous ont donc mené à toutes ces réflexions parfois malheureusement sans réponse. Voici donc une nouvelle question que je vous pose : selon vous peut-on dire que la guitare est le nouveau gabusi ?
Nos remerciements vont à Mr Colo Assani pour son témoignage, Franckie, Erika , Azna, Nouriat, Nathalie, Numa pour la rédaction et bien sûr radio Chiconi qui nous a permis de diffuser l'émission.
Une édition préparée avec le CUFR de Mayotte.